Los Monégros (2)
Dans le désert de los Monégros, nous ferons une randonnée, de toute beauté, au milieu de ces étonnantes formations rocheuses, de grès, faites de cheminées de fées, d’aiguilles, collines tabulaires, ravins ruiniformes...
... un paysage vide de toute présence humaine, digne d'un décor de "far-west", nous donnant l'illusion et le parfum de l'aventure !
Nous cheminons sur une piste, qui s'envole vers l'infini, suivie d'un nuage de poussière. Nous sommes subjugués par la beauté du paysage !
Même nos trois chiens semblent apprécier cette liberté retrouvée.
Nous nous trouvons, rapidement, au milieu de nulle part, dans un lieu où le temps semble arrêté !
Notre camping-car semble une goutte d'eau, perdue dans cette grande étendue, dans le silence qui règne sur ces immensités.
Cela me fait un peu penser à la région des Causses, en plus pauvre, en plus nu, en moins plat. Un endroit où nous sommes vite seuls au monde, au milieu d'un lieu fascinant !
Ce paysage désertique est le résultat d'une érosion intense, façonnant toutes sortes de reliefs et de sculptures, favorisant ainsi l'émergence de petites gorges et de défilés.
Nous découvrons, lors de notre balade des formations rocheuses de grès, en forme de tour, qui s’érodent sous l'impact de la pluie et du vent.
Photo prise au même endroit il y a une dizaine d'années avec ma fille et notre labrador.
Ces cimes isolées et souvent énormes, défient le temps avec leur incroyable verticalité.
Leurs origines remontent à l'époque Miocène. Quelques 40 millions d’années en arrière, l’émergence des Pyrénées a fini par donner naissance à Los Monegros. Au fil des siècles, les monts se sont érodés laissant la place à la vallée de l’Ebre.
Ce labyrinthe de roches, aux formes imposantes et extraordinaires, est une belle surprise à parcourir à pied.
S'y promener, c'est regarder aussi bien en haut qu'en bas, c'est flâner dans des sillons sinueux, c'est admirer l'équilibre de ces rochers suspendus, et s'étonner de cette végétation (steppe de brousaille), présente sur un sol aussi peu fertile... Même un figuier semble s'obstiner à vouloir pousser dans les fissures de la roche.
...c'est sentir le thym et le romarin enivrants, c'est se balader au milieu de figures minérales, c'est écouter le vent faire son travail d’érosion …c'est être dans un autre monde !
Avec un climat sec et aride, le désert de Monégros souffre fréquemment d'une sécheresse chronique. Ses précipitations atteignent à peine 400 mm par an, le vent balaie les terres, ce qui explique la grande érosion. C'est la région la plus chaude et la plus aride du nord de l'Espagne avec le désert de Bardenas Reales.
L'Aragon est une terre de contrastes climatiques, sa topographie irrégulière donne lieu à une grande variété de microclimats.
Belvédère qui permet d'admirer la vue de ces formations rocheuses.
Le peu de précipitations, et un ensoleillement surabondant, sont les deux éléments qui obligent les végétaux et animaux à s’adapter pour survivre, et au mois de mai le sol est déjà tout craquelé, crevassé, comme nous avons pu le constater.
Une randonnée dans un lieu étonnant, qui nous transporte dans un autre monde ! Quelques instants, on se croirait presqu'en Arizona, et non à une cinquantaine de kilomètre de la frontière française.
Un peu plus loin, à l’abri des regards, après un peu de marche, nous arrivons dans un lieu typique, des Monegros. Cerclée par des rochers, une oliveraie pousse tranquillement protégée du vent.
Le contraste entre le vert des oliviers et l'ocre, aux nuances multiples, est un vrai plaisir pour les yeux !
Nous déjeunons, au midi, au pied de la plantation d'oliviers centenaires, dont certains ont d'énormes troncs. A notre grande surprise, des vautours vont nous survoler, pendant notre repas.
Au fond des oliviers, une falaise de conglomérat, d’une centaine de mètres, se dresse devant nous. Tout à fait remarquable, elle semble comme sortie d’une scène de Zorro.
Quelques rares fermes céréalières parsèment le paysage, de los Monégros, on les décèle par leurs immenses silos à grain.
Mais les Monegros n’avaient pas ce même visage autrefois, une vie intense devait y grouiller jadis.
Le nombre de fermes ou de hameaux abandonnés dans cette région est incroyable et surprenant, cela rend cette contrée encore plus désertique…et plus mystérieuse !
Toutefois, ce qui m'attire, ce sont ces ruines qui parsèment le paysage. Même délabrées, on sent qu’elles ont encore une âme.
Nous passons devant de vieilles masures, ruinées par le temps, ou l’histoire, celle de la guerre civile qui fit rage ici aussi.
Plus ou moins abîmées, et plus ou moins effondrées, elles racontent les vents violents du nord qui se sont abattus sur elles et que rien n’arrête et qui obligeaient les hommes à étayer les tuiles avec de grosses pierres. Elles nous parlent aussi de ce soleil ardent, dont elles devaient se protéger, par de petites ouvertures.
Ces ruines nous parlent aussi de ces travailleurs, qui venaient chercher un peu de repos et d’ombre, après avoir moissonné le blé, à la faucille, sous la fournaise estivale. Dans ces immensités ondoyantes les hommes restaient sur place pour les travaux des champs. A l’époque, rien n'était mécanisé, tout se faisait à la main.
Ces ruines nous parlent aussi du bétail parqué dans de vastes enclos. Dans ces steppes, des troupeaux de moutons paissaient sur des terres arides, à la recherche de leurs pâtures.
Ces ruines nous parlent aussi de ces hommes qui défrichèrent les sols et ôtèrent les pierres. On peut même y trouver, encore, des tessons de cruches de terre où l'eau restait fraîche, et des jarres d'huile d’olive, le minimum pour vivre de ces contrées reculées.
On peut voir encore les ouvertures, les ferrures forgées encore en place, les boiseries vermoulues, les toitures effondrées…
On peut s'arrêter tous les 200 m, et retrouver à chaque fois la même pathétique beauté ! Dans cette solitude absolue, et cet immense silence, c'était impressionnant à voir !
C’est sous l’influence de Franco, que le désert de Monegros a été repeuplé. Les plus démunis, d’autres communautés, ont reçu des terres et une maison pour s’installer dans les Monegros.
Une quarantaine de village ont ainsi été monté sur pied sur le même modèle : larges rues rectilignes, maisons à un étage équipées d’une basse-cours pour y abriter le cochon et la vache offerte par Monsieur le dictateur.
Quel plaisir de dormir la nuit dans le désert des Monegros, au milieu de nulle part au milieu des parfums et du silence nocturne, avec seule la lune, pour nous tenir compagnie...un moment exceptionnel ! Dans ces paysages, encore vierges, il est impressionnant d’assister à des couchers de soleil, aux couleurs orangées et ocres.
Aujourd'hui je sais que j’y retournerai un jour, bientôt peut être, car ce désert continue de m'attirer. Je n’ai malheureusement pas tout vu, il y a tant de choses à y découvrir, et tant de chemins à parcourir. Il vaut le détour pour ses anciennes citadelles maures, ses grottes, ses canyons, ces cheminées de fée et ses rapaces.